Recherchons la vérité et non l'agréable !
Homélie pour le 4e Dimanche du Temps Ordinaire
Dimanche 30 janvier 2022
Il y a incompatibilité entre la perversité et l’amour vrai...
Nous avons pu ressentir comme une sensation d’avoir été ballottés entre le chaud et le froid tout au long des lectures de ce dimanche.
Tout d’abord avec le prophète Jérémie. En effet, la première lecture a débutée avec des mots qui nous ont touchés : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré. » Puis, sans transition, nous avons été précipités au cœur de la si difficile mission du prophète, où il devra faire face, sans trembler, devant les rois et les prêtres de son temps pour annoncer la vérité. Cela lui vaudra d’être combattu et d’être catalogué de prophète de malheur ! Il a eu, en effet, la mission d’annoncer l’exil à Babylone si Israël ne se convertissait pas. Et c’est bien ce qui est arrivé.
C’est un scénario un peu similaire que nous avons constaté dans l’Évangile : « Jésus déclara : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. » Beaucoup de juifs attendaient la venue du Messie, et il semblait bien que ce Jésus pouvait bien être le Christ tant attendu ! Mais devant les paroles sévères de Jésus qui leur révèle leur incrédulité, quasi sans transition là aussi, on voit les Nazaréens décider de tuer Notre Seigneur ! Oui : « aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. »
Que ce passe-t-il donc ? Pourquoi tant de violence et d’opposition devant la parole qui vient de Dieu et devant celui qui a la mission de l’annoncer ?
Nous pourrions tout simplement répondre : parce que Dieu est Amour ! Et l’Amour est Vérité.
Mais, comme le dit le Seigneur à Jérémie « Le cœur est rusé plus que tout, et pervers, qui peut le pénétrer ? » C’est donc cette incompatibilité entre la perversité et l’amour vrai, qui fait advenir ce conflit si violent. Jésus le dira : « N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive. » Pourquoi cela ? Parce qu’en venant dans le monde Jésus nous apporte la Vérité de l’Amour, or, le monde ne recherche plus la vérité ni le véritable amour, il ne veut pas tourner son cœur vers Dieu. En soi, ce n’est pas Jésus qui est à l’origine de ce conflit, mais bien la perversité de l’homme.
Le Cardinal Sarah écrivait : « Notre monde se voile la face devant la vérité, il ne veut pas la voir. Beaucoup d’hommes de notre temps se crispent et s’éloignent avec dédain dès qu’on parle de vérité et qu’on se réfère à une vérité objective qui nous précède. […] Mais la vérité est lumière, une vérité incontestable et libératrice. La vérité est indestructible car elle vient de Dieu, elle est un visage de Dieu. »
Cette vérité libératrice et indestructible nous apprend à aimer en vérité, elle nous permet de comprendre la richesse et la profondeur du cantique de Saint Paul que nous venons d’entendre : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. »
Ainsi, nous apprenons à aimer le monde sans nous compromettre avec l’esprit du monde, sans renier la vérité. Ce refus de se compromettre avec l’esprit du monde est parfois perçu comme un manque d’ouverture et de tolérance. Ce serait même s’enfermer dans une vision pessimiste du monde, au détriment d’une vision plus optimiste en sois plus agréable et bienveillante. Le Cardinal Newman avait déjà réagit devant la confusion entre le vrai et l’agréable dans l’une de ses lettres : « Vous parlez, écrivait-il, comme si ce qui est agréable doit être vrai et vrai ce qui est agréable. Mais il n’en est pas ainsi. »
Ainsi, nous ne devons pas chercher à être pessimiste ou optimiste, mais à être réaliste. C’est bien ce réalisme qui condamna Jérémie. Le Cardinal Ratzinger commentait la mission de ce prophète en ces termes : « Le prophète fut condamné et incarcéré en raison de son pessimisme. […] Du point de vue de l'optimisme officiel, le réalisme du prophète apparaît comme un pessimisme grossier et inadmissible. [or] Au moment de la défaite catastrophique d'Israël et de l'effondrement de tous les optimismes précédents, Jérémie le pessimiste se révèle être le véritable porteur de l'espérance. […] C'est justement en cette heure que fut annoncée la nouvelle Alliance (Jr 31, 31-34), […] c'est même cette véritable espérance qui rendit possible son attitude réaliste de résistance aux optimismes menteurs. »
Ainsi, si nous souffrons de la crise que nous constatons dans notre monde et dans l’Eglise, ne nous réfugions pas dans des raisonnements soit disant « optimistes » pour nous rassurer. Mais ayons cette espérance qui nous vient de Jésus et qui nous fait regarder la réalité en face en sachant que Notre Seigneur reste le maître du temps et de l’histoire. Cette Espérance qui nous donne de l’audace pour avancer dans la fidélité malgré les incompréhensions du moment. Rappelons-nous que c’est à l’heure du plus grand échec, au moment où Jésus fut étendu sur la croix qu’il nous sauva et transforma l’histoire et notre vie éternelle.
Prions donc avec confiance et ardeur pour nos pasteurs. Qu’ils aient le courage de parler pour faire triompher l’amour et la Vérité. Qu’ils ne cherchent pas à être agréables mais vrais, quitte à endurer les persécutions de ce monde.
Nous confions aussi à vos prières notre Famille religieuse pour que nous soyons toujours fidèles au charisme qui a été confié au Père et à Mère Marie-Augusta, ce charisme des apôtres de l’Amour qui doivent, par le fait même, être des apôtres de la Vérité et des porteurs d’espérance. Et nous confions à Notre-Dame des Neiges tous les jeunes qu’elle veut voir répondre à l’appel de Jésus à tout quitter pour le suivre et marcher sur ce chemin des apôtre de l’Amour, pour rayonner l’amour, la vérité et l’espérance à travers notre monde.