C'est la tempête !
Homélie pour le 12ème Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Dimanche 23 juin 2024
Une donnée change tout : Jésus est avec eux !
C’est la tempête ! Je n’ai pas l’expérience d’avoir été dans un bateau où il faut écoper d’urgence parce que l’eau rentre de toutes parts. Mais l’impression que l’on doit avoir lorsqu’il entre plus d’eau qu’on arrive à en sortir doit être assez angoissante. C’est ce que vivent les apôtres dans cet évangile, sur ce lac de Tibériade, qui est réputé pour la violence de ses tempêtes.
Ce terme de « tempête » était déjà présent dans la première lecture, tirée du livre de Job : le saint homme Job est dans la tempête, parce que sa vie est faite de nombreuses souffrances qu’il ne comprend pas. Nous voyons ainsi que la tempête n’est pas seulement sur l’eau… Elle est dans la vie du monde, dans la vie de l’Église, dans nos propres vies. Ce sont les moments où les vagues montent, où l’eau rentre dans nos barques, et où nous n’arrivons plus à écoper autant d’eau qu’il en rentre.
Mais regardons ce qui se passe pour les disciples. Pendant qu’ils multiplient en vain leurs efforts pour maintenir la barque à flot, et alors que celle-ci se remplit d’eau, Jésus dort. Et il dort bien : il est bien installé, sur le coussin, à l’arrière ! Jésus n’est donc – en apparence – pas du tout préoccupé par la situation de ses disciples.
Ceux-ci paniquent, c’est un fait. En un sens, les éléments leur donnent raison, et la situation est réellement et objectivement périlleuse, voire dramatique. Mais… une donnée change tout, une donnée que les apôtres, pendant un moment, ont oubliée : Jésus, le Fils de Dieu, est avec eux dans la barque.
C’est seulement lorsque la situation semble vraiment perdue qu’ils se tournent vers lui pour le réveiller : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
Nous connaissons certainement des tempêtes de toutes sortes aujourd’hui. Oui, l’eau nous paraît à certains moments entrer dans nos barques, et nous parvenons plus à écoper, si bien que nos barques se remplissent et semblent prêtes à couler. Cela est vrai parfois dans nos vies, mais aussi dans notre monde, et dans notre Église. En 2005, Joseph Ratzinger disait : « Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. » [Joseph RATZINGER, Chemin de Croix au Colisée, 25 mars 2005 (neuvième station)]
Ce serait en effet manquer de réalisme que de penser que la mer est calme ! Pourtant, nous ne devons pas oublier cette donnée qui change tout : Jésus est là. Nous oublions si souvent qu’il est avec nous. Mgr Gänswein, secrétaire de Benoît XVI, raconte cette anecdote. À plusieurs reprises, pendant que Benoît XVI était pape émérite, il est allé le trouver pour lui dire : « Saint-Père, c'est impossible ! Je ne peux pas y faire face ! L'Église se heurte à un mur de briques ! Je ne sais pas : Le Seigneur est-il endormi ; n'est-il pas là ? Que se passe-t-il ? » Et Benoît XVI lui a répondu calmement : « Vous connaissez un peu l'Évangile, n'est-ce pas ? Le Seigneur était endormi dans la barque sur la mer de Galilée, dit l'histoire. Les disciples avaient peur : une tempête se préparait, des vagues arrivaient. Et ils l'ont réveillé parce qu'ils ne savaient pas quoi faire. » Et Benoît XVI ajouta : « Que se passe-t-il ? Jésus n'a eu qu'à adresser quelques mots à la tempête, pour faire comprendre qu'il est le Seigneur, même sur le temps et les tempêtes. Regarde, le Seigneur ne dort pas ! Alors, si, même en sa présence, les disciples avaient peur, il est tout à fait normal que les disciples d'aujourd'hui puissent avoir peur, ici et là. Mais n'oubliez jamais une chose : Il est là, et il reste là. (…) C'est quelque chose que vous ne devez jamais oublier ! » [cf. https://www.catholicnewsagency.com/news/253203/pope-benedict-xvi-personal-secretary-georg-ganswein-ewtn-interview]
En effet, les apôtres réveillent Jésus : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » On sait la suite. Mais retenons cette demande de Jésus à ses apôtres, qui sonne comme un reproche : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Dans nos tempêtes aussi, Jésus est là. Parfois il dort, ou semble dormir. Mais il est là. Nous pouvons lui adresser les paroles d’un psaume qui crie vers Dieu en disant : « Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? (…) Debout ! Viens à notre aide ! Rachète-nous, au nom de ton amour » (Ps 43, 24-27). Et, comme sur le lac de Tibériade, comme il voudra et quand il voudra, Jésus se lèvera et dira à la mer et au vent : « Silence, tais-toi ! »
Jésus veut que nous levions les yeux. Que nous ne regardions pas seulement vers les vagues et la mer, mais surtout vers lui. Il veut, comme le dit saint Paul aujourd’hui, « que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » Aussi nous adresse-t-il en ce dimanche les mêmes questions qu’aux disciples : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »
La Vierge Marie avait fait grandir les disciples dans la foi à Cana, où déjà Jésus avait manifesté sa gloire, et où ils avaient cru en lui. Mais cette foi doit grandir encore. Notre foi doit grandir encore. Même en butte aux épreuves de notre temps, notre foi peut et doit grandir, avec l’aide de la Vierge Marie. Mère Marie-Augusta nous disait : « Ne nous effrayons pas des vagues qui montent, de la tempête qui gronde… » Nous croyons, et nous savons qu’au-delà des tempêtes que nous traversons, Dieu fait déjà toute chose nouvelle : en Jésus, « le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. »