Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ?
Homélie pour le 21e Dimanche du TO - Année C
Dimanche 24 août 2025
« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »
Les dernières paroles de l’évangile de ce jour semblent suggérer que le nombre des élus sera grand : « On viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu ». Jésus confirme les paroles du prophète Isaïe entendues dans la première lecture : « Je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. […] J’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées […] de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur ». De cela le Seigneur nous a donné une image au début de ce mois, bien que dans un pâle reflet, avec ces centaines de milliers de jeunes venus de tous les pays à Tor vergata pour adorer, avec le Pape Léon XIV, Jésus notre Seigneur et notre Dieu. Et si nos cœurs ont été saisis par la beauté et la joie d’un tel événement, combien plus grandes seront la splendeur et l’exultation lors du rassemblement final des élus ! Après les avoir spirituellement associés à sa mort et à sa résurrection, Jésus a envoyé ses apôtres, rescapés du tsunami de la Passion, jusqu’aux limites de la terre pour enseigner toutes les nations, les sanctifier par les sacrements et leur apprendre à garder ses commandements afin que nous vivions une vie nouvelle. Le salut n’est plus réservé aux juifs, mais il est ouvert à tous ceux qui veulent croire en Jésus.
Le Saint Esprit avait aussi montré d’avance à Isaïe l’accomplissement du culte d’Israël. Il ne consisterait plus en l’offrande de boucs et de taureaux, mais en la conversion profonde du cœur. Le cœur de l’homme habité par la grâce, quand il accomplit la volonté divine, devient une offrande agréable à Dieu : « Ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur […] On les portera comme l’offrande qu’apportent les fils d’Israël, dans des vases purs, à la maison du Seigneur ». Jésus a accompli une fois pour toutes le sacrifice sanglant de sa vie sur la Croix. La poursuite active de la sainteté dans une vie d’union au Christ Rédempteur est désormais le culte spirituel agréé par Dieu (cf. Rm 12,1). Isaïe annonce aussi le sacerdoce de la nouvelle alliance : « Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux » c’est-à-dire parmi les païens convertis. On ne reçoit plus le sacerdoce par le sang, mais, par le sacrement de l’ordre qui rend apte à offrir in persona Christi (en la personne du Christ) le Corps et le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sacrifice pur, saint et parfait qui est en mesure d’obtenir le salut pour tous les hommes. Sans ce sacerdoce ministériel exercé par les prêtres, nous ne pourrions offrir le sacrifice spirituel de notre propre vie.
« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Pour le moins, Jésus écarte l’idée d’un salut limité au seul peuple d’Israël. Toutefois, il ne dit pas que tout le monde sera sauvé. Saint Paul affirme clairement la volonté salvifique de Dieu : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,4). Pour autant, le salut n’est pas automatique et Dieu ne forcera pas notre liberté. Au contraire, Jésus nous demande d’être actif en vue de notre salut : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». C’est une recommandation pour le présent. C’est maintenant qu’il faut s’efforcer d’entrer, avant que la porte ne soit fermée. À la fin des temps, Jésus – le maître de maison – reviendra pour juger les vivants et les morts. Le jugement sera clair et sans appel, dans la pleine lumière de la vérité. Ceux qui auront cru en lui et auront gardé sa parole en pratiquant ses commandements, à commencer par celui de l’amour du prochain, entreront dans la vie. À ceux qui les auront négligés, le Seigneur dira : « Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice ».
« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite », nous dit Jésus. Il précise « efforcez-vous ». Le verbe ἀγωνίζομαι signifie littéralement “lutter”. De lui vient le mot français « agonie » qui indique la lutte acharnée contre la mort. Jésus ne nous propose pas un salut facile, mais nous invite à la lutte. Il faut lutter pour entrer dans la vie, lutter contre tout ce qui mène à la mort. Saint Paul a parlé des athlètes qui, dans la lutte, se privent de tout pour obtenir la couronne (cf. 1Co 9,25). Pour recevoir la couronne de la vie, il faut mener le combat spirituel contre nos défauts, contre les tentations du démon, contre nos propres résistances au plan Dieu sur nous. Et qui dit combat, dit nécessité du courage : le courage pour persévérer dans la prière quand elle est aride (cf. Col 4,12), le courage de la vérité quand elle est dure à dire ou à vivre, le courage pour mener le beau combat olympique de la pureté qui seul rend apte à aimer à la manière de Jésus, le courage de l’humilité et de la petitesse pour vivre libéré de notre moi trop envahissant.
Jésus affirme que beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas (οὐκ ἰσχύσουσιν) ou plus littéralement « ils ne seront pas forts ». Passer la porte du salut nécessite d’être fort. Mais cela ne signifie pas gagner le Ciel par nos propres forces. Saint Paul affirme qu’il se fatigue à lutter « avec l’énergie [de Jésus] qui agit en lui avec puissance » (Col 1,29). La force qui le rend vainqueur ne vient pas de lui, mais c’est l’énergie (ἐνέργεια) de Jésus, l’énergie de l’amour qui agit en lui avec puissance (ἐν δυνάμει). Et saint Paul n’est pas surpris de l’âpreté du combat : « Si en effet nous peinons et combattons, c’est que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, le Sauveur de tous les hommes, des croyants surtout. » (1Tm 4,10). Jésus l’a encouragé dans le combat : « Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse. » (2Co 12,9). Parvenu à la fin de sa vie, il était sûr de ne pas avoir lutté pour rien : « J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » (2Tm 4,7).
« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » La Vierge Marie a certainement entendu cette question et elle a mis courageusement la main à l’œuvre régénératrice. En ces jours de retraite, demandons par l’intercession son intercession la détermination et la confiance pour mener et aider ceux vers qui Jésus nous envoie à mener le bon combat de la foi avec l’énergie de l’amour qui vient du cœur de Jésus et qu’il nous communique dans l’Eucharistie. Amen