L'humilité est la vérité
Homélie pour le 22e Dimanche du Temps ordinaire - Année C
Dimanche 31 août 2025
Veille sur nous avec sollicitude Seigneur, pour protéger ce que tu as fait grandir
Que fait-on un lendemain de noces ? On se retrouve en famille pour prolonger la joie des noces, pour continuer à jouir de la beauté de la fête que nous avons vécue. Ainsi faisons-nous ce matin, au lendemain des Vœux perpétuels de nos deux Sœurs. Nous voici donc à nouveau en famille, nous qui sommes membres de la famille de Dieu, l’Église. Cette note familiale est accentuée par le charisme reçu ici par le Père et Mère Marie-Augusta, dont nous profitons de l’esprit, réunis en ce jour du Seigneur, autour de l’autel.
Dans les lectures de ce dimanche, nous avons entendu surtout un grand appel à l’humilité : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser. » Cet appel était accompagné d’une mise en garde : « La condition de l’orgueilleux est sans remède… »
Cette humilité doit se décliner vis-à-vis de Dieu d’abord. Il est notre Créateur. Il nous a donné la vie. Nous avons envers lui un devoir d’adoration, comme nous l’a rappelé le cardinal Sarah à Sainte Anne d’Auray le mois dernier. Le bienheureux Carlo Acutis, qui sera canonisé dimanche prochain, décrivait ainsi cette vertu – il écrivait cela à l’âge de douze ou treize ans :
« L’humilité qui est la vérité, l’humilité qui est la réalité, l’humilité qui ne consiste pas à nous mépriser nous-mêmes, mais à sentir que nous sommes inférieurs à Dieu. Dieu, puis nous. D’autre part, "humilité" vient du latin "humus" qui signifie "terre" ; humble est celui qui vient de la terre, qui est bas, qui se maintient bas. Si nous nous sentons inférieurs à Dieu, nous sommes dans la justesse. Et dans la justesse, nous sommes dans l’humilité. L’humilité nous fait garder notre place. Elle nous invite et nous amène à faire fructifier nos talents, que nous ne devons pas enterrer, mais cultiver à la gloire de Dieu. » Par ailleurs, une expression de cette humilité envers Dieu est l’obéissance à sa Parole. Non pas à ce que nous pensons que Jésus dirait aujourd’hui. Mais à ce que le Verbe éternel, le Fils de Dieu incarné a réellement dit et enseigné, et que nous connaissons avec certitude par les évangiles. Dieu lui-même nous a montré l’exemple de l’humilité, en s’incarnant. Lui qui est le « Dieu de gloire et de majesté », s’est fait tout petit pour nous parler, pour nous servir, pour nous sauver. C’est ce que Benoît XVI appelait le « style de Dieu » : « Dieu est si grand qu’il peut se faire petit. Dieu est si puissant qu’il peut se faire faible et venir à notre rencontre… »[1]
Comme Dieu nous en a lui-même montré l’exemple, cette humilité doit se vivre également envers les autres, entre nous. C’est plus facile à décliner – du moins en théorie – et Jésus, dans la parabole de ce dimanche, nous en donne une illustration assez savoureuse. Le bienheureux Carlo disait encore :
« Ainsi donc, nous, catholiques, devons décider de vivre cette humilité, c’est-à-dire cette vertu fondamentale qui nous permet de nous incliner devant Dieu, de nous incliner devant notre prochain, et de nous plonger dans la charité, qui n’est rien d’autre que l’humilité en acte. »
Enfin, cette vertu d’humilité doit s’exercer encore envers l’Église, notre Mère, elle qui nous apprend à aimer Dieu et à nous aimer les uns les autres. Comment notre humilité vis-à-vis de l’Église se manifeste-t-elle concrètement ? Nous fêtons en cette année les 1700 ans du premier concile œcuménique, le concile de Nicée. Et c’est aussi le soixantième anniversaire de la clôture du dernier concile œcuménique, le concile Vatican II. Notre humilité vis-à-vis de l’Église passe par l’acceptation pleine et fidèle de toute cette longue tradition... Nous sommes des héritiers, des dépositaires, des intendants. Nous ne pouvons pas faire de tri. L’Église est mère et maîtresse. Nous sommes envers elle dans une attitude de réception – comme nous recevons d’une mère. Ce n’est pas une attitude passive, c’est l’attitude des fils. Seule la fidélité à l’héritage est profondément créatrice et permet de le développer. La fidélité est une condition pour une authentique et féconde créativité. Nous ne pouvons pas « oublier » cette tradition bimillénaire de l’Église.
Joseph Ratzinger écrivait :
« Aujourd’hui aussi, cet oubli qui ne veut connaître que les vingt dernières années, ou peut-être même beaucoup moins, est insupportable. Aujourd’hui encore, l’annonce de la foi doit être catholique, c’est-à-dire vivre de l’ensemble, puiser toujours directement dans la bible, boire toujours aux grandes et pures sources de tous les temps. Ce n’est qu’ainsi que la foi reste grande et vaste ; ce n’est qu’ainsi qu’elle atteint cette profondeur et grandit vers cette hauteur par laquelle elle relie le ciel et la terre. »[2]
Le parfait modèle de l’humilité est la Vierge Marie : « Voici la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole. » Avec elle, en Église, en famille, ce matin nous rendons grâce. Et nous demandons comme fruit de cette célébration des Vœux d’hier, et de cette messe dominicale, de commencer cette année scolaire avec un plus grand désir de suivre Notre seigneur sur la voie qu’il a prise : celle de l’humilité. En cette année sainte, nous demandons à Dieu, par Notre Dame des Neiges, avec l’oraison de ce jour : « veille sur nous avec sollicitude, pour protéger ce que tu as fait grandir. »
[1] BENOÎT XVI, Homélie de la Messe de la nuit, 24 décembre 2005
[2] Joseph RATZINGER, Sur l’enseignement du concile Vatican II ; Formulation, transmission, interprétation, Opera omnia, vol. VII/1, Parole et Silence, 2024, page 495