Retrouver l'obéissance simple à l'évangile

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Homélie pour le 30e Dimanche du Temps ordinaire - Année C

Dimanche 26 octobre 2025

Accueillir la Parole de Dieu en vérité

Qui ne connaît cette parabole de Jésus, passée même dans la culture contemporaine : le pharisien et le publicain ? Ces deux personnages sont désormais célèbres ! Mais quelles sont les attitudes mises en relief par Jésus dans cette parabole ? Jésus reproche au pharisien une chose très claire : il ne veut pas voir son péché, il refuse de le reconnaître. Tandis que le publicain voit son péché, le reconnaît et en demande pardon. La conclusion de la parabole est limpide, elle aussi : c’est le publicain qui a été justifié, et non le pharisien. En réalité, cette parabole est d’une grande clarté, d’une parfaite limpidité : pour être rendu juste, il faut reconnaître son péché et en demander pardon. Celui qui dit n’avoir pas de péché, qui refuse de se reconnaître pécheur, ne peut pas être rendu juste. Saint Jean dit, sans sa première lettre : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous » (1 Jn 1, 8).

Or par une étonnante habileté, cette « morale », pourtant évidente, du texte évangélique, est souvent pratiquement inversée, et la parabole de Jésus complètement falsifiée – même par des chrétiens. Ainsi, le pharisien serait celui qui observe les commandements de Dieu – ou pire, qui les enseigne. Tandis que le publicain serait le pécheur installé, que Dieu aimerait tel qu’il est, et qui n’aurait donc pas besoin de se convertir. Cette interprétation, qui prend le contrepied de la parabole de Jésus, a réussi à s’imposer comme l’interprétation canonique du texte, alors même que la parabole dit à peu près le contraire ! Comment est-ce possible ?

Le pasteur luthérien Dietrich Bonhoeffer a dénoncé ces lectures « pseudo-théologiques » conciliantes de la Parole de Dieu, qui réduisent à rien l’obéissance que Jésus nous demande. Il donne une petite image éclairante de ce que l’on fait de la Parole de Dieu. Citons-le : « Un père dit à son enfant : "Va te coucher !" ; l'enfant sait alors très bien ce qu'il en est. Mais un enfant dressé selon la manière pseudo-théologique devrait raisonner de la sorte : "Père me dit : Va te coucher ! Il veut dire : Tu es fatigué ! Il ne veut pas que je sois fatigué. Je peux très bien passer sur ma fatigue en allant jouer. Par conséquent mon père, il est vrai, a dit : Va te coucher !, mais, en fait, il veut dire : Va jouer !" »[1] Voilà à peu près ce que nous faisons avec la Parole de Dieu… Dietrich Bonhoeffer poursuit : « Jésus s'écrierait donc "Sors !" Mais nous, nous comprenons très bien ce qu'il dit en réalité "Reste dedans !", évidemment comme quelqu'un qui, intérieurement, serait sorti. Ou bien Jésus dirait : "Ne vous faites pas de souci", et nous comprendrions : "Naturellement, il nous faut nous faire du souci et travailler pour les nôtres et nous-mêmes ; toute autre attitude serait une attitude irresponsable, mais, intérieurement, il nous faut évidemment être libres de tels soucis !" (…) Jésus dirait : "Cherchez premièrement le Royaume de Dieu !", et nous comprendrions : "Naturellement, il nous faut chercher d'abord toutes sortes d'autres choses ! Comment pourrions-nous exister autrement ? Ce dont Jésus aurait voulu parler serait tout simplement la disposition ultime intérieure à tout engager en faveur du Royaume de Dieu". » Et Bonhoeffer conclut par ce terrible constat : « Partout nous trouvons la même chose, c'est-à-dire l'abolition consciente de l'obéissance simple, à la lettre. »[2]

Jean-Paul II, dans son encyclique sur la morale, Veritatis splendor, évoque cette parabole du pharisien et du publicain. Il souligne que le publicain ne se justifie pas dans sa prière, mais reconnaît « son indignité devant l’infinie sainteté de Dieu : "Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis !"(Lc 18, 13). Le pharisien, au contraire, s'est justifié par lui-même, trouvant sans doute une excuse à chacun de ses manquements. »[3] Et Jean-Paul II ajoute : « Une grande vigilance est demandée à tous, afin de ne pas se laisser gagner par l'attitude pharisaïque qui prétend éliminer le sentiment de ses limites et de son péché, qui s'exprime aujourd'hui particulièrement par la tentative d'adapter la norme morale à ses capacités, à ses intérêts propres et qui va jusqu'au refus du concept même de norme. »[4]

En ce prochain mois de novembre, nous méditerons sur les fins dernières, et sur la mort. Cette méditation importante n’est pas pour nous faire peur, mais pour nous aider à prendre davantage au sérieux la Parole de Dieu, à prendre davantage au sérieux notre vie ici-bas comme préparation, et même comme commencement de la vie éternelle. Nous avons entendu aujourd’hui saint Paul qui peut dire avec une impressionnante sérénité, au terme de sa mission et de sa vie : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » Puis il ajoute avec confiance : « Le Seigneur me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. »

En ce dimanche, demandons à la Vierge Marie, qui a médité dans son cœur la Parole de Dieu, d’accueillir en vérité cette Parole. Alors nous pourrons mettre en pratique sa dernière demande : « Faites tout ce que Jésus vous dira. »

[1] Dietrich BONHOEFFER, Vivre en disciple ; le prix de la grâce, Labor et Fides, 2009, pages 58-65

[2] Idem

[3] Veritatis splendor, nº 104

[4] Veritatis splendor, nº 105

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