La miséricorde n’est-elle pas au-dessus du jugement ?
Homélie pour le 32e Dimanche du temps ordinaire - Année C
Dimanche 16 novembre 2025
"Par votre patience, vous posséderez votre âme !"
Nous vivons aujourd’hui le dernier dimanche du temps dit « ordinaire ». La semaine prochaine nous fêterons la solennité du Christ Roi, puis nous changerons d’année liturgique en commençant le grand temps de l’attente qu’est l’Avent.
Tout au long de cette année, dimanche après dimanche de ce temps ordinaire, c’est avec le regard de saint Luc que nous avons contemplé Notre Seigneur. Cet Évangile possède plusieurs particularités qui lui ont donné les titres d’Évangile du Saint Esprit, de la prière, ou encore de la miséricorde. Nous viennent, en effet, à l’esprit les passages de l’enfant prodigue et de la brebis perdue, qui sont des passages propres à Saint Luc.
Mais ces passages touchants, qui manifestent la grande miséricorde de Dieu, ne sont-ils pas, d’une certaine manière, en contradiction avec le ton des lectures de ce jour ? En effet, celles-ci sont graves et portent sur le jugement final. Or, la miséricorde n’est-elle pas au-dessus du jugement ? Alors comment comprendre ces passages de l’Écriture ?
Le Catéchisme de l’Église Catholique nous éclaire :
« Le Fils n’est pas venu pour juger, mais pour sauver et pour donner la vie qui est en lui. C’est par le refus de la grâce en cette vie que chacun se juge déjà lui-même, reçoit selon ses œuvres et peut même se damner pour l’éternité en refusant l’Esprit d’amour. » (n°679)
C’est ainsi que nous devons comprendre la première lecture : « Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera… Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. » Ainsi, les chrétiens qui refusent l’enseignement de l’Église sur les fins dernières sont en contradiction avec une multitude de passages de l’Écriture Sainte. Le Catéchisme rappelle encore :
« La mort met fin à la vie de l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ… Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours. » (1021-1022)
Au fond, ce jugement annoncé, qui est toujours lié avec la miséricorde divine, répond à notre soif de vérité. Combien de fois n’avons-nous pas dit sur cette terre : « ce n’est pas juste ! » Et nous ne voudrions pas que Dieu fasse justice sur notre vie ?
Le Cardinal Ratzinger faisait cette constatation :
« Nous voulons que la Vérité ait le dernier mot. Nous demandons que cessent les bavardages inutiles, la cruauté, la misère ; nous voulons que cessent les ténèbres des malentendus qui nous séparent, que cesse l’incapacité d’aimer et que devienne possible un véritable amour qui libère toute notre existence de la prison de la solitude, qui l’ouvre aux autres, à l’infini, sans nous détruire. »
Or, nous savons que, en fin de compte, ce qui nous libérera de ce mal c’est bien le jugement juste et vrai de Dieu.
Notons que le prophète Malachie nous dit bien : « Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. » Oui, le jugement guérit ! Nous pouvons être relevés et restaurés par le rayonnement de Notre Seigneur. Quelle source d’espérance !
Dans Spe Salvi, Benoît XVI tirait cette conclusion :
« C'est pourquoi la foi dans le Jugement final est avant tout et surtout espérance – l'espérance dont la nécessité a justement été rendue évidente dans les bouleversements des derniers siècles. Je suis convaincu que la question de la justice constitue l'argument essentiel, en tout cas l'argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle. »
Mais, ici-bas, nous ne sommes pas encore dans un monde de justice, de paix et d’amour. Les paroles de Jésus dans l’Évangile sont toujours actuelles : « Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin… On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel. » Et Notre Seigneur continue de plus belle : « Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. »
Ne soyons donc pas étonnés si nous pouvons être marginalisés, voir persécutés, parce que nous voulons défendre notre foi catholique. Mais également si nous voulons défendre la vérité sur la dignité de l’homme et de la famille. Le Professeur Jérôme Lejeune le disait bien :
« Vous qui êtes pour la famille, disait-il, on se moquera de vous, on dira que vous êtes démodés, on dira que vous empêchez les progrès de la science, on lèvera contre vous l’étendard de la tyrannie expérimentale, on dira que vous essayez de bâillonner la science par une morale dépassée. Eh bien je voudrais vous dire, poursuivait-il, : n’ayez pas peur. C’est vous qui transmettez les paroles de la vie ! » Alors gardons confiance. Jésus nous dit aussi ces mots encourageants : « Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. »
Notre Seigneur conclut ses paroles graves en nous disant : « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » Ou, plus exactement : « par votre patience, vous posséderez votre âme. » Ici, notre Père fondateur commentait ainsi cette phrase de Notre Seigneur : « C’est à dire votre âme restera à vous, librement, sans tomber dans l’esclavage du péché et de la mort spirituelle. Vous serez non seulement sauvés mais vainqueurs du mal et du malin, malgré les souffrances et les persécutions. »
Cette persévérance est bien évidemment une grâce divine qu’il faut demander humblement et avec confiance. Demandons-la à la Vierge Marie qui est pour nous un exemple hors pair. Combien sut-elle être présente au pied de la croix malgré la haine qui l’entourait ! Ô Notre Dame des Neiges, accordez-nous la grâce de la persévérance finale, la grâce de la fidélité dans l’adversité, à la grâce de l’espérance.